A Paris, Nuit debout à l’heure de la présidentielle

A trois semaines du premier tour de l’élection, ce dimanche à Paris, les participants du mouvement fêtaient le premier anniversaire de leur rassemblement spontané.

Quelques mains qui tournicotent en silence. A Paris, sur cette place de la République qu’ils connaissent bien pour l’avoir Nuitdebooutoccupée, les sympathisants du mouvement Nuit debout approuvent toujours à leur façon les orateurs. Dimanche 2 avril et en plein jour, à trois semaines du premier tour de la présidentielle, les voilà qui se retrouvent par petits groupes pour fêter le premier anniversaire de leur rassemblement. « Le 17 avril, blocus contre le meeting de Marine Le Pen ! », exhorte l’un d’eux micro en main, au milieu du cercle, pour faire capoter le prochain rendez-vous parisien du Front national.

Ils ont beau dénoncer les limites de la démocratie représentative, plusieurs de ces participants comptent pourtant se rendre aux urnes. Vincent, 42 ans, souhaite « une victoire de La France insoumise » à l’élection présidentielle. Assis à même le sol, le photographe se redresse pour justifier son intention de voter Jean-Luc Mélenchon. En sommeil ces derniers temps, Nuit debout suit aussi son propre calendrier : des affiches rappellent que les festivités se tiennent les « 31 », « 32 » et « 33 mars », allusion aux premiers jours du mouvement.

Vincent, qui se fait appeler Blanqui, exprime une tendance majoritaire parmi les nuit-deboutistes rencontrés. Selon lui, M. Mélenchon « [nous] parle parce qu’il est le seul à parler du vivre ensemble, à avoir une réflexion sur ce qu’est un peuple, une communauté d’égaux ». Outre sa « règle verte » censée promouvoir une transition écologique, le cofondateur du Parti de gauche aurait un avantage majeur, « le b.a-ba » : vouloir « abolir la loi travail » de la ministre Myriam El Khomri, cette même loi contre laquelle manifestaient les participants de Nuit debout au moment de leur rassemblement.

« Pour une constitution citoyenne »

Ce dimanche après-midi, nulle bannière de partis politiques. Seulement un drapeau rouge en lettres blanches pour rappeler le nom de « Nuit debout ». Nulle consigne de vote non plus : quoique bien identifié à gauche, le mouvement n’a jamais revendiqué la présence d’un porte-parole officiel, ni de rattachement à un parti. « Pas possible », tranche Antoine Guignier, 47 ans. Au besoin, l’ingénieur précise qu’il s’agit d’« un archipel d’initiatives et de collectifs » plutôt que d’un ensemble « homogène ».

Du bout des lèvres, lui aussi reconnaît qu’il votera pour Jean-Luc Mélenchon, pour celui qu’il considère comme « le démocrate ». « On l’embêtera pour qu’il fasse une vraie constitution citoyenne, pour des assemblées locales », ajoute-t-il en guise de soutien critique. Au stand d’Antoine, quelques fascicules à distribuer : les propositions nuit-deboutistes ont pour objectif « la fin de la professionnalisation de la vie publique » et agrègent plus de soixante-dix propositions « à partir de remontées du terrain ».

Il faut dire que le candidat Mélenchon est déjà allé, à plusieurs reprises, dans le sens du mouvement. Le 18 mars, alors que sa marche pour la VIe République se concluait devant cette même statue de la République, le dirigeant a rendu hommage aux « assemblées de Nuit debout qui ont, jour après jour, au prix du rêve, dessiné l’épure d’un monde nouveau ». Comme en écho, des ateliers proposés dimanche proposent justement de réfléchir à la création d’une assemblée constituante.

« Boycott ! »

Non loin du groupe de parole principal, un autre espace se forme. Marion Robert, 35 ans, est encore en réflexion. « Je collerais bien ensemble le programme de Mélenchon et la tête de Hamon ». D’après l’entrepreneuse, à chacun ses inconvénients. Qu’il s’agisse du socialiste Benoît Hamon : « Je m’étais fait la promesse de ne plus jamais voter socialiste… » Ou bien de l’ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon : « ll dit qu’il veut sortir de la Ve République, mais il représente encore une figure très paternaliste, très présidentielle… »

Près de la cantine qui distribue des soupes de légumes à la demande sous une tente, une autre Marion hésite encore davantage. A 28 ans, cette kinésithérapeute des Hauts-de-Seine se dit dans le flou : « Je sais que je vais voter, mais pour qui ?… J’ai peur que la présidentielle ne suffise pas à faire entendre la volonté des Français. » L’idée de présenter aux législatives des candidats de la société civile ayant participé à Nuit debout l’aurait séduite. Mais hormis la candidature du journaliste François Ruffin dans la Somme, la réalité a démenti ce scénario général.

 

Entre deux stands, des inscriptions en appellent plutôt au « boycott ! » de la présidentielle et des législatives. L’« abstention » ? Seule solution valable, selon elles, pour réclamer « la fin du régime représentatif électif et de la corruption qu’il engendre ». « Il semblerait que je sois partie pour ne pas voter », admet Noam, étudiante en théâtre. A 20 ans, celle-ci récuse l’idée « de remettre [son] espoir aux mains de personnes dont [elle n’est] même pas sûre qu’elles ont à cœur de défendre ce qu’elles disent. »

Accroupis à ses côtés, des passants se saisissent de pinceaux et palettes pour détourner des affiches publicitaires disposées par terre à cette fin. Ici, l’un d’eux transforme le slogan d’Optique 2000 (« zéro dépense ») en « zéro violence ». Plus tôt dans l’après-midi, la place de la République a justement accueilli une manifestation en mémoire de Liu Shaoyao, père de famille chinois de 56 ans tué par un policier dans des conditions controversées.

Date de dernière mise à jour : lundi, 03 avril 2017

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