Reportage : Les origines du sida

Le Sida est causé par un virus passé du singe à l’Homme voilà un siècle environ. Comment ? C’est sur ce point que les hypothèses diffèrent. Chasseur de viande de brousse ou vaccination antipolio ? La première semble avoir un peu d’avance…

Le Sida n’est pas le propre de l’Homme. Bien que découvert en 1981 dans notre espèce, des recherches menées en 1985 sur le macaque rhésus ont révélé que nos cousins les singes pouvaient eux aussi présenter une maladie apparentée à la nôtre, appelée Sidas (pour Sida des singes).Sida complot inside

Cependant, point de VIH responsable, mais son proche parent, le VIS (virus de l’immunodéficience simienne). Les études révèlent que le premier est issu du second. Des mutations ont rendu possible le franchissement de la barrière des espèces, et le Sida a sauté du singe à l’Homme.

Comment aurait-il pu nous être transmis, sachant qu’il passe presque exclusivement par voie sexuelle ou par voie sanguine ?

Le VIH-1, la principale souche qui infecte l'Homme, descendrait d'une souche de VIS retrouvée chez notre plus proche cousin

Le Sida a d’abord frappé en Afrique

Plusieurs hypothèses ont été lancées au fil du temps. Des analyses ont confirmé que tout est parti d’Afrique noire, à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Un scientifique suggère même que des cas d'infection au VIH auraient pu se manifester plus tôt dans des populations isolées, limitant la maladie à des territoires restreints, ne permettant pas une contamination de masse.

Le fait est que le VIS a muté pour donner naissance à deux types de VIH, tout simplement nommés VIH-1 et VIH-2. La souche VISsm retrouvée chez le singe mangabey est considérée comme étant l’ancêtre du VIH-2, que l’on trouve essentiellement à l’échelle africaine, et non au niveau mondial, comme c’est le cas pour le VIH-1. Ce dernier semble en revanche bien plus proche de la souche circulant chez le chimpanzé. Par leurs origines distinctes, les deux formes humaines du virus sont éloignées. Cela sous-entend que l’introduction du VIS dans les populations humaines s’est effectuée au moins à deux reprises.

L’hypothèse dominante, celle du chasseur de viande de brousse

Pour expliquer le passage du singe à l’Homme, la théorie la plus communément admise considère que c’est au cours de parties de chasse de viande de brousse que le virus aurait franchi la barrière des espèces. Une morsure par un singe infecté, une écorchure consécutive au dépeçage de la proie ou une viande insuffisamment cuite auraient pu rendre possible une contamination. Une fois chez l’Homme, le virus se serait répandu le long du fleuve Congo jusqu’à atteindre Léopoldville (l’actuelle Kinshasa), grande ville facilitant la transmission du VIH par la prostitution, l’utilisation de seringues ou les migrations.

De nombreuses études apportent des arguments en faveur de cette thèse. L’une d’entre elles, publiée en 2002 dans Emerging Infectious Disease, démontre que de nombreux singes vendus sur les marchés ou utilisés comme animaux domestiques sont porteurs du VIS. Elle met ainsi en évidence le fait que le contact entre l’Homme et le singe est étroit et que potentiellement, le virus peut relativement aisément sauter d’une espèce à l’autre.

Cependant, cette hypothèse ne fait pas l’unanimité. Certains scientifiques s’étonnent de la simultanéité des cas dans des régions pourtant différentes, alors que l’on sait que les primates sont porteurs du VIS depuis plusieurs millénaires au moins. Le VIS aurait-il muté de la même façon au même moment en des endroits distincts ? Un argument contesté, des spécialistes considérant que la propagation d’un tel virus, par voie sexuelle mais surtout par voie sanguine, pouvait s’avérer très rapide.

L’hypothèse polémique de la campagne de vaccination

Edward Hooper est un journaliste britannique qui a publié en 2001 un livre intitulé The River : A Journey to the Source of HIV and AIDS. Arguments à l’appui, il y défend la théorie soutenue depuis 1987 par l’Américain Louis Pascal, expliquant que la contamination se serait produite à la suite d’une campagne de vaccination contre la poliomyélite à la fin des années 1950 en Afrique noire.

D’après Edward Hooper, le vaccin oral expérimental aurait été conçu à partir de reins de chimpanzés préalablement contaminés par un VIS mutant. Une thèse contestée par certains, qui affirment qu’on ne se serait pas servi de nos plus proches cousins, mais de macaques rhésus, non porteurs d’une souche virale incriminée.

Le journaliste britannique soutient que l’apparition des premiers cas de Sida coïncide parfaitement avec la campagne de vaccination menée au Congo belge (actuelle République démocratique du Congo), au Burundi et au Rwanda à la fin des années 1950. Il explique aussi que la majorité des cas africains de Sida détectés avant 1981 provenaient des villages vaccinés.

Cependant, cette hypothèse est très critiquée par la communauté scientifique. Une étude publiée dans la revue Nature en 2004 ébranle cette théorie, précisant que les souches de VIS circulant à l’époque chez les singes de la région étaient trop éloignées phylogénétiquement du VIH-1 pour en être à l’origine. De plus, en comparant les différences entre diverses souches du VIH trouvées en 1959 et 1960, une autre étude publiée là encore dans Nature a prouvé que le passage du singe à l’Homme remontait à 1933 au moins.

 

EDIT le 21/04/2020

 

Ajouté le 21/01/2014

Date de dernière mise à jour : mardi, 26 juillet 2022

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