Pourquoi le Qatar est-il détesté de ses voisins?

Cinq pays, notamment l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, la Libye et l'Égypte, ont interrompu lundi, sans préavis, leurs relations diplomatiques avec le Qatar et fermé leurs frontières à ce dernier. Ils l'accusent de financer et de soutenir le terrorisme au Moyen-Orient, de concert avec l'Iran. Notre correspondante au Moyen-Orient, Marie-Eve Bédard, nous en dit davantage sur cette déclaration de guerre diplomatique.

 

Q : Pourquoi ces pays s’en prennent-ils soudainement au Qatar?

R : On a l’impression que c’est soudain et c’est très certainement un coup de théâtre, mais ça n’arrive pas du jour au lendemain. Il y a un ressentiment qui grandit entre les pays du Golfe et le Qatar depuis un bon moment déjà.

Essentiellement, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres accusent le Qatar de financer le terrorisme. On reproche au Qatar d’être derrière des groupes comme le groupe armé État islamique, Al-Qaïda, derrière les Frères musulmans un peu partout dans la région.

L’Arabie saoudite reproche en plus au Qatar de soutenir des groupes chiites qui fomentent une rébellion dans l’est de l’Arabie saoudite et d'aider les rebelles chiites houthis qui ont délogé de la capitale du Yémen un gouvernement qu'elle soutient.

À Bahreïn également, la monarchie sunnite est aux prises avec une majorité chiite qui parfois conteste dans la violence.

Évidemment, le Qatar nie toutes ces allégations. Il explique qu’aucune des accusations portées par ces pays n’est fondée et que c'est totalement injustifié.

Q : Est-ce une façon de lui faire payer ses relations plus modérées avec l’Iran?

R : Des médias en Arabie saoudite, entre autres, ont reproché récemment à l’émir du Qatar d’avoir tenu des propos à la défense de l’Iran.

Or, l’Iran représente pour l’Arabie saoudite une très grande menace dans la région avec son implication de plus en plus importante dans le conflit syrien, mais aussi au Yémen.

C’est une façon de reprocher au Qatar de ne pas suivre le pas dans les dénonciations très virulentes que l’on fait du rôle déstabilisateur de l'Iran, dit-on dans le Golfe.

L’Iran est derrière plusieurs des milices chiites qui combattent le groupe armé État islamique.

Q : Quel rôle a pu jouer la récente visite de Trump en Arabie saoudite dans cette levée de boucliers?

R : Le président Donald Trump a tenu un discours très très dur à l’endroit de l’Iran lors de ses rencontres avec les dirigeants de ces pays.

Il a accusé l’Iran de soutenir des groupes terroristes, d’être derrière, en fait, toute l’instabilité à laquelle on assiste depuis plusieurs années au Moyen-Orient. Et ça, c’est une ligne qui colle de très près à ce que l’Arabie saoudite reproche à son rival iranien.

Maintenant, est-ce que les pays du Golfe ont perçu ces propos de Donald Trump comme une carte blanche pour s’en prendre au Qatar? C'est possible.

Ce qu’il faut savoir cependant, c’est que le Qatar a des propos plus modérés face à l’Iran peut-être parce qu’ils ont en commun un grand champ gazier qu’ils exploitent communément.

Cela pourrait expliquer leur approche un peu plus modérée et ouverte face à la coopération avec l’Iran pour favoriser le dialogue plutôt qu’une confrontation constante.

Tout ce discours de Donald Trump a probablement envoyé un signal à des pays comme l’Arabie saoudite qu’ils auraient l’appui de leur allié américain dans cette lutte qui les oppose au Qatar aujourd’hui.

Q : Qu’est-ce que l’Égypte vient faire dans cette querelle entre les monarchies du Golfe?

R : L’Égypte a en commun avec les monarchies du Golfe cette haine des Frères musulmans depuis l’échec du gouvernement de Mohamed Morsi qui a sonné un peu le glas de l’islam politique.

Les Frères musulmans sont désormais interdits de séjour en Égypte, mais aussi dans certains pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis.

Le Qatar s’est retrouvé à être l’hôte de plusieurs des dirigeants de groupes musulmans qui ont fui la vague d’arrestations et de condamnations qui s'est déroulée en Égypte. C’est aussi une récrimination de longue date de l’Égypte à l'endroit du Qatar.

Les monarchies du Golfe partagent aussi avec l’Égypte une méfiance face à ces groupes qui représentent un islam politique menaçant pour ces monarchies qui ne sont pas élues et qui règnent sans partage depuis des décennies.

Q : Cette fermeture des frontières avec le Qatar, notamment par l’Arabie saoudite, aura-t-elle réellement un impact sur la vie des Qataris?

R : Dans l’immédiat, l’impact le plus ressenti, c’est qu’on a coupé toutes les liaisons aériennes des pays concernés entre leur capitale et Doha, la capitale du Qatar.

Mais ce qui est le plus inquiétant pour la population du Qatar, c’est que 40 % des denrées alimentaires qui sont importées au Qatar, qui n’est pas une puissance agricole, proviennent d’Arabie saoudite.

Est-ce que cette interruption des relations diplomatiques va avoir un impact sur les rapports commerciaux entre les deux pays? C’est certainement une question qui inquiète beaucoup les gens.

Plusieurs témoins ont rapporté que les Qataris se sont précipités dans les supermarchés pour faire des réserves de nourriture.

Il y a aussi tous ces Qataris qui sont dans les pays du Golfe en ce moment, qui y travaillent depuis plusieurs années pour certains et qui doivent maintenant quitter leur pays au cours des deux prochaines semaines comme l’ont exigé les autorités d’Arabie saoudite, des Émirats et de Bahreïn.

Le Qatar en bref

  • Peuplé de 2,4 millions d’habitants, dont 90 % d’étrangers, le Qatar est un ancien protectorat britannique qui a acquis son indépendance en 1955.
  • Le pays est gouverné depuis sa création par la famille Al-Thani. Le pouvoir est détenu par le cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani depuis l'abdication de son père, en 2013.
  • Le pays situé en plein désert a bâti sa richesse principalement sur le gaz naturel et le pétrole.
  • Avec un revenu annuel par habitant de 138 480 $, selon la Banque mondiale, le Qatar est l’un des pays les plus riches du monde.
  • Les investisseurs qataris sont partout. Ils détiennent par exemple 17 % du capital du constructeur allemand Volkswagen et 10 % de l'Empire State Building de New York, pour ne nommer que ceux-là.
  • Le Fonds souverain qatari était évalué en 2015 à plus de 256 milliards de dollars.
  • Le Qatar, grâce à sa chaîne d’information télévisée internationale Al-Jazeera, se place aussi parmi les puissances mondiales en matière de communication et d’information.

 

 

Source : ici.radio-canada.ca, Reusters

Date de dernière mise à jour : mardi, 06 juin 2017

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