La Tchétchénie est-elle en train d'exécuter les homosexuels ?

Un journal russe d’opposition parle déjà de trois meurtres et d’une centaine d’arrestations.

photo du président Ramzan Kadyrov

Il y a sept ans, ils avaient annoncé qu’ils n’enverraient plus de journalistes en Tchétchénie pour garantir leur sécurité après plusieurs assassinats survenus dans cette république russe du Caucase. Pourtant, l’équipe de Novaïa Gazeta, journal russe d’opposition connu pour ses investigations, a révélé les violences inouïes perpétrées dans le pays contre les homosexuels.

Se reposant sur les informations fournies par des « gros noms » du ministère de l’Intérieur, de l’administration présidentielle, du bureau du procureur et des associations LGBT locales restés anonymes, Novaïa Gazeta révèle la « détention massive » de plus de cents résidents tchétchènes en raison d’une homosexualité réelle ou supposée. Les détenus seraient âgés de 16 à 50 ans, et compteraient notamment des personnalités médiatiques et religieuses de ce territoire à majorité musulmane. Relayé par le New York Times, le journal russe évoque également trois personnes assassinées pour ces mêmes raisons, et suspecte d’autres victimes liées aux exactions judiciaires.

« Il n’y a pas d’homosexuels en Tchétchénie », argumentent les autorités

Le porte-parole du leader tchétchène Ramzan Kadyrov a déjà réagi à ces informations en qualifiant l’article « d’absolument mensonger » et en employant un argumentaire homophobe niant l’existence même de l’homosexualité en territoire tchétchène. Selon Russia Today, il argue qu’on »ne peut pas détenir ou persécuter quelqu’un qui n’existe tout simplement pas dans la république » puisque « les hommes en Tchétchénie ont un mode de vie sain, ils font du sport, et n’ont qu’une seule orientation [sexuelle] ». Et d’ajouter :

S’il y avait de telles personnes en Tchétchénie, les forces de l’ordre n’auraient aucun problème avec elles puisque leurs proches les auraient déjà envoyées dans des endroits où personnes ne revient.

Les relations presse du ministère tchétchène de l’Intérieur ont de leur côté évoqué une « farce du premier avril », l’article ayant été publié samedi, et les autorités crient à la « calomnie ».

« Trop de signaux pour ne pas le croire »

Pourtant, Ekaterina L. Sokiryanskaya, experte du Caucase au sein de l’International Crisis Group, a affirmé au New York Times qu’il y avait « de nombreux signaux » venant « de trop de sources différentes pour ne pas être vrais. »

Selon Novaïa Gazeta, plusieurs homosexuels tchétchènes ferment désormais leurs comptes sur les réseaux sociaux – grâce auxquels les autorités pourraient remonter jusqu’à eux – et échappent aux persécutions en quittant le pays, mais l’auteur du papier craint que la coutume du « crime d’honneur » ne mette en danger leur famille.

Livrant en fin d’article des informations d’aide aux LGBT de la région, Novaïa Gazeta indique qu’elle va fournir toutes les informations qu’elle possède aux autorités russes pour que celles-ci mènent l’enquête sur cette purge anti-gay.

Qu’est-ce qui aurait motivé cette purge anti-gay ?

Le journal suggère également que cette campagne de persécution survient en réaction à l’organisation GayRussia.ru qui a demandé des autorisations de Marche des fiertés dans plusieurs villes du Caucase en mars. Cette action était menée par le militant Nikolay Alekseev de manière à collecter des refus (prévisibles), et ainsi constituer un dossier auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais ce dernier a depuis nié l’hypothèse que cette campagne ait motivé les violences survenues en Tchétchénie.

Relatant également l’affaire, le Guardian a rappelé l’attitude extrêmement conservative de la Tchétchénie qui fonctionne comme un État quasi-indépendant de la Russie, et dont le président a déjà soutenu la polygamie ou encore le port obligatoire du hijab dans les lieux publics pour les femmes.

 

 

Date de dernière mise à jour : mardi, 04 avril 2017

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