Première image probable d’une planète extrasolaire !

 

Trois astronomes de l’Université de Toronto viennent de dévoiler ce qui pourrait être la première image jamais réalisée d’une planètetournant autour d’une autre étoile.

Conduite par David Lafrenière, l’équipe de scientifiques a utilisé le télescopeGemini Nord installé à Hawaï, équipé d’un miroir de 8,1 mètres de diamètre et d’un dispositif d’optique adaptative hautement performant afin d’obtenir une image infrarouge en très haute résolution de l’étoile 1RXS J160929.1-210524 dans la constellation du Scorpion, et de son compagnon.

Ce dernier apparaît séparé de 2,22 secondes d'arc de l’étoile, soit, d'après la distance du couple, une distance de 330 UA (50 milliards de kilomètres). Rappelons que la Terre est par définition à 1 UA du Soleil. Son spectre dans l’infrarouge suggère qu’il s’agit d’un objet de classe L4 dont la température de surface d’environ 1.525°C (les auteurs donnant une fourchette de -100 à +200) pour une masse d'environ 8 fois celle de Jupiter (-1/+4). Les valeurs spectrales en bande h et K démontrent, d'après les auteurs qui s'appuient sur les modèles en vigueur, que la force de gravitation en surface est encore faible et qu'il s'agit donc d'un astre jeune n'ayant pas encore terminé sa contraction.


En haut à gauche, le compagnon de 1RXS J160929.1-210524. Crédit Gemini Observatory

A ce jour, les seuls objets planétaires directement observés en dehors de notre système solaire étaient des astres isolés, flottant librement dans l’espace (c’est-à-dire ne tournant pas autour d’une étoile), ou des naines brunes, dont la faible luminosité facilite la détection. Mais la température de ce nouveau candidat est trop faible pour répondre à cette catégorie et ne peut s’expliquer que par une nature planétaire.

L’étoile elle-même est légèrement moins massive que notre Soleil, dont elle n’atteint qu’environ 85% de la masse pour 1,3 diamètre solaire. Si le lien gravitationnel entre celle-ci et la planète est confirmé, ce qui semble déjà acquis, il s’agirait ainsi du plus petit objet gravitant autour d’une étoile de masse solaire.

« C’est la toute première fois qu’il nous est donné d’apercevoir un objet de masse planétaire en orbite probable autour d’une étoile comparable à notre Soleil. Si nous arrivons à confirmer que ces deux astres appartiennent à un même système, nous aurons accompli un important pas en avant », s'enthousiasme David Lafrenière, auteur d’une publication en cours de parution dans Astrophysical Journal Letters co-signée par ses deux collaborateurs, Ray Jayawardhana et Marten H. Van Kerkwijk (pré-publication disponible sur le site de l’Université Cornell).

Spectre dans le proche infrarouge de 1RSX J160929.1-210524 et de son compagnon (21 juin 2008). Le spectre primaire (rang A) est calibré sur une température d’environ 4.000 K (type spectral K7). Le spectre du compagnon planétaire (courbes noires dans les rangs B à F) est comparé ici aux données de deux jeunes naines brunes de types spectraux M9 et L1 (courbes rouges en rangs B et C) et deux autres naines brunes, plus anciennes et plus froides de types spectraux L3 et L6 (rangs D et E).
La forme en triangle dans la partie gauche du spectre du compagnon planétaire s’accorde bien mieux avec l’aspect des spectres des jeunes naines brunes, indices d’un champ de gravitation relativement faible. Mais cela indique aussi que l’astre ne s’est pas encore entièrement contracté et n’est pas aussi jeune.
Le fait que le spectre du compagnon soit moins intense dans sa partie gauche que ceux des jeunes naines brunes indique qu’il est plus froid que la naine brune de la catégorie L3 (rang D). La comparaison avec les modèles (rang F) confirme la faiblesse de la force de gravité en surface du compagnon, et ainsi son jeune âge.

Cette première observation d’un compagnon de masse planétaire, qui survient à un moment où personne ne s’y attendait, lance un nouveau défi aux astronomes en matière de formation d’étoiles et de planètes. « Cette découverte démontre une fois de plus la diversité véritablement remarquable des mondes étrangers, et c’est une nouvelle démonstration des possibilités offertes à la nature pour produire des compagnons planétaires à des étoiles de type classique telles notre Soleil », s'émerveille Ray Jayawardhana, auteur d’un ouvrage sur le sujet, à paraître sous peu sous le titre Worlds Beyond.

Une confirmation délicate

La distance entre l’étoile et la planète impliquant un déplacement très lent de celle-ci, deux années d’observation seront au minimum nécessaires afin de démontrer un lien gravitationnel et déterminer l’orbite. « Il est évidemment trop tôt pour affirmer avec certitude que cette planète tourne effectivement autour de 1RXS J160929.1-210524, mais c’est une quasi certitude et à l’évidence, cette étoile sera très étudiée au cours des prochaines années », annonce Lafrenière.

Marten H. Van Kerkwijk, membre de l’équipe, précise avoir effectué cette découverte grâce à une méthode nouvelle, qui consistait à observer préférentiellement des étoiles formées depuis au maximum 5 millions d’années, et dont les hypothétiques compagnons planétaires n’auraient pas encore eu le temps de se refroidir, ce qui en facilitait la détection directe en infrarouge.

C’est dans un groupe de 85 étoiles appartenant au jeune amas Upper Scorpius que la nouvelle planète a été observée grâce au dispositif d’optique adaptative du télescope Gemini, qui permet de différencier les divers types de compagnons stellaires : étoiles, naines brunes ou planètes.

Notons que par le passé, plusieurs annonces de découvertes d’exoplanètesavaient été émises par des astronomes avant qu’un examen plus approfondi n’infirme l’hypothèse en la ramenant au rang de naine brune. Souvenons-nous entre autres de 2M1207b, en avril 2004.

 


Superposition d’images prises dans les spectres bleu, vert et rouge au foyer du télescope Gemini Nord équipé d’optique adaptative les 21 et 24 août 2008. Pose 180 secondes. Magnitude visuelle de l’étoile : +10,9. Crédit : D. Lafrenière et al.

 

Date de dernière mise à jour : vendredi, 02 juillet 2021

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