Une super-Lune cela n’existe pas !


On parle d’elle à tort et à travers depuis une dizaine de jours, mais la pleine lune de ce soir sera tout simplement aussi belle que les autres de l’année : admirez-la après le coucher du Soleil pour vous en convaincre.

 

Lune



je redoute la déception potentielle de nombre de spectateurs, car la pleine lune de ce lundi 14 novembre ne sera pas aussi incroyablement grande et lumineuse que les illustrations et les explications confuses et parfois erronées de certains sites hautement médiatisés et partagés sur les réseaux sociaux pourraient le laisser penser. Cette pleine lune sera effectivement la plus proche de la Terre pour l’année 2016 et son diamètre apparent dans le ciel sera donc un peu plus grand que lors des dernières lunaisons, mais cette variation de diamètre apparent ne sera absolument pas évidente à percevoir à l’œil nu. Si vous avez vu la Lune encore gibbeuse (ovalisée) du dimanche 13 novembre, celle du lundi 14 ne vous semblera guère plus grande. Si nous pouvions regarder côte à côte sur la voûte céleste la pleine lune d’aujourd’hui et celle du 22 avril dernier, qui présentait le plus petit diamètre apparent de 2016, nous verrions probablement la différence. Mais ce n’est même pas certain car, quel que soit son diamètre apparent théorique, le diamètre apparent lunaire observé au ras de l’horizon dépend de nombreux critères. La réfraction atmosphérique fluctuante peut, par exemple, écraser l’image lunaire, l’aplatir, la déformer dans un sens puis dans l’autre ou la fragmenter, rendant vaine toute estimation sérieuse de sa dimension. Quant à notre cerveau, il nous joue des tours en exagérant systématiquement notre perception de la dimension lunaire au ras de l’horizon.

 


 

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Le terme de super lune n'est pas largement accepté ou utilisé dans la communauté des astronomes, qui lui préfère « périgée-syzygie »4. Le périgée est le point de l'orbite lunaire où la distance de la Lune par rapport au foyer est minimale. Une syzygie correspond à un alignement de la Terre, de la Lune et du Soleil. Une super lune peut être vue comme une combinaison des deux événements, bien qu'ils ne coïncident pas forcément parfaitement à chaque fois3.
 

Notre satellite naturel parcourt une orbite elliptique autour de la Terre : sa distance varie entre 356 410 km et 406 740 km. Le lundi 14 novembre 2016, la Lune passe au plus près de la Terre (périgée) à 11 h 22 m (temps universel), 12 h 22 m, heure de Paris, à un peu plus de 356 500 kilomètres. Plus la Lune est proche de nous, plus son diamètre apparent est grand, mais il reste cependant toujours compris entre 0,48 et 0,56 degré. Au moment de la pleine lune, le Soleil, la Terre et son satellite sont alignés et nous pouvons voir l’intégralité de l’hémisphère lunaire éclairé par le Soleil. Le 14 novembre 2016, la pleine lune se produit à 13 h 53 m TU, 14 h 53 m, heure de Paris. En France métropolitaine, notre satellite naturel se lève près d’une demi-heure après le coucher du Soleil, à l’est-nord-est. Son disque apparent dépasse 33,5 minutes d’arc de diamètre, soit un peu plus de 0,55 degré, il est donc aisément caché par le bout du petit doigt bras tendu : la pleine lune, c’est tout petit dans le ciel !


Notre époque aime le super, le méga, l’extra et l’expression « super-Lune » fait sans doute plus rêver que « plus grosse pleine lune de l’année » ou « pleine lune du périgée. » Surtout lorsque les résultats de quelques calculs astronomiques fournis par des observatoires ou des instituts professionnels signalent que notre satellite ne s’est pas situé aussi près de nous lors de sa plénitude depuis plusieurs décennies et que cela ne se reproduira pas avant plusieurs dizaines d’années. Peu importe que les différences de distances entre ces maximums soient dérisoires – quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres sur une distance de plus de 356 000 km – et que les différences de diamètres apparents soient ridiculement petites et inconsistantes pour n’importe quel observateur sérieux. L’association de ces calculs officiels extrêmement précis avec une notion aussi floue et non scientifique que celle de « super-Lune » a eu raison de la raison.

L’origine même de la notion de « super-Lune » devrait pourtant irrémédiablement faire naître un doute sur le bien-fondé de son usage par des scientifiques ou des services de presse d’organismes scientifiques. Le néologisme « SuperMoon » a en effet été assemblé par l’astrologue américain Richard Nolle qui l’a présenté dans une revue astrologique en 1979 et dans cet article en 2007. Il y expliquait qu’une « super-Lune » était pour lui une pleine lune ou une nouvelle lune se produisant lorsque notre satellite circule au plus près de la Terre – périgée –, entre 90 et 100 % de la valeur minimale du périgée. Avec une définition aussi large il peut y avoir jusqu’à 6 « super-Lunes » par an et, de fait, les pleines lunes d’octobre, novembre et décembre 2016 sont soi-disant des « super-Lunes ». À ce compte-là, pourquoi ne pas carrément considérer que toutes les pleines lunes – sans parler des nouvelles – sont super ! Cette première partie de la définition n’est pas très sélective, mais c’est justement l’intérêt d’une telle notion pour un astrologue comme Richard Nolle qui l’utilisait pour faciliter la rédaction de ses ouvrages annuels de prédictions astrologiques.

Le problème majeur vient du fait que, pour Richard Nolle, chaque super-Lune est associée dans un délai bien pratique de trois jours avant ou après sa venue à des événements extrêmes, comme des tremblements de terre, des éruptions volcaniques ou des tempêtes. Avec une fourchette temporelle aussi large, un astrologue peut régulièrement associer une catastrophe naturelle à une super-Lune et donner ainsi l’impression à ses lecteurs de l’avoir annoncée, ce qui lui permettra sûrement de mieux vendre ses ouvrages astrologiques pour l’année suivante ; cette notion de super-Lune est donc bien pratique pour les charlatans. Son utilisation irréfléchie en astronomie, simplement parce que cela sonne bien, c’est accrocheur, trouble la frontière qui devrait rester la plus nette possible dans l’esprit de chacun entre les croyances astrologiques et leurs prédictions pour le moins fantaisistes et aléatoires, et la méthode scientifique dont les théories et les calculs rigoureux nous permettent, par exemple, de faire atterrir des sondes sur des comètes à l’autre bout du Système solaire. La force de frappe de la NASA est telle que l’expression « super-Lune » va probablement s’imposer, sauf si le public constate qu’une super-Lune comme celle de ce soir n’a finalement rien de plus exceptionnel qu’une pleine lune habituelle.

 

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