Nucléaire : Travail dissimulé à Flamanville amende confirmée pour Bouygues en appel

Le chantier de Flamanville a eu recours à plus de 460 détachés polonais et roumains fournis par deux sociétés Bougflacoupables de travail dissimulé. Pour avoir recouru aux services de l’agence d’intérim Atlanco, Bouygues TP est condamnée mais pas interdite de marchés publics.

Compte-tenu du durcissement de la lutte contre le travail au noir et les détachements frauduleux, le recours, pour la construction de la centrale nucléaire EPR de Flamanville (Manche), à des centaines d'ouvriers polonais et roumains privés de leurs droits sociaux de base (ils ne bénéficiaient notamment pas d'une couverture médicale normale, mais d'une assurance privée minimale souscrite à Chypre) auraient pu entraîner une peine exemplaire devant les tribunaux. Mais une amende trop lourde aurait entraîné une interdiction de marchés publics pour plusieurs années, avec des conséquences sociales importantes pour le personnel des entreprises de BTP concernées.

Agence d'intérim

Le jugement rendu en appel ce lundi sur l'affaire des détachés de Flamanville a donc à peine alourdi les amendes dont avaient écopé, en première instance, les entreprises jugées. Bouygues Travaux Publics (TP), en charge, pour le compte d'EDF, de la construction de Flamanville a été condamnée en appel à 29.950 euros d'amende, soit à peine plus que les 25.000 euros d'amende prononcée à son encontre en juillet 2015 par le tribunal correctionnel de Cherbourg. Le président de la cour d'appel de Caen, Henri Ody, a lui-même précisé que ce montant étant inférieur à 30.000 euros, il préservait son accès au marché public, rapporte l'AFP. La sulfureuse agence d'intérim irlando-chypriote Atlanco, déjà poursuivie dans plusieurs pays européens et qui s'est évanouie avant le procès en 2015, n'a jamais comparue et reste introuvable. Elle a été condamnée en première instance pour le travail dissimulé de 163 salariés polonais.

Contrats de travail chypriotes

Pour Flamanville, Atlanco avait en effet fourni à Bouygues 160 ouvriers polonais en leur faisant signer des contrats de travail chypriotes, avec des assurances sociales de ce pays réputé pour avoir les plus faibles cotisations sociales d'Europe. De 2009 à 2011, plusieurs ouvriers blessés sur le chantier de Flamanville ont été renvoyés immédiatement dans leur pays pour y découvrir n'avoir droit à aucun soins médicaux, sauf à avancer les frais et à en demander le remboursement à Chypre. Ceci alors que la directive européenne, à l'époque, exigeait que les cotisations sociales soient payées en France ou dans le pays d'origine de l'ouvrier.

Bouygues avait déjà recouru aux services d'Atlanco sur son premier chantier d'EPR, à Olkiluoto, en Finlande, où Atlanco avait les mêmes pratiques. Mais à Olkiluoto, la situation des ouvriers avait été régularisée en cours de chantier quand les syndicats finlandais l'avaient découverte. A Flamanville, comme en Finlande, c'est un syndicat, en l'occurrence la CGT, qui a lancé l'alerte en 2011 sur les conditions sociales des détachés roumains et polonais présents sur le site depuis 2009. Mais les ouvriers n'ont en revanche pas bénéficié d'une régularisation. Ils ont été renvoyés chez eux avant, en 2011.

Quille relaxé

Condamnée, comme Atlanco, pour travail dissimulé, la société roumaine Elco, qui a fourni à Flamanville 297 ouvriers roumains, a vu son amende passer de 40.000 euros en première instance à 60.000 euros en appel.

Bouygues TP a été reconnue coupable en appel d'avoir eu recours à Atlanco. Mais, contrairement au jugement de première instance, la cour d'appel a estimé que Bouygues TP et la société Quille (filiale de Bouygues) n'étaient pas coupables de recours à Elco, leur contrat avec Elco n'ayant pas été signé directement mais par le biais d'un groupement d'intérêt économique. Condamnée à 5.000 euros d'amende à Cherbourg, Quille est en conséquence désormais relaxé. Enfin, la société nantaise Welbond est condamnée à 15.000 euros d'amende pour le recours aux services irréguliers d'Atlanco.

Aucune cotisation sociale n'ayant été payée en France pour les 460 détachés roumains et polonais de Flamanville, au final, le manque à gagner pour l'Urssaf (qui ne s'est pas portée partie civile) est estimé de 10 à 12 millions d'euros, rapporte l'AFP. Bouygues TP n'a pas encore indiqué si elle saisirait la Cour de Cassation.

Date de dernière mise à jour : mardi, 21 mars 2017

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