Six journalistes interpellés, leur libération exigée par la profession

Six journalistes de la presse ivoirienne sont dans les locaux de la brigade de recherches au Plateau pour être entendus depuis ce dimanche 12 février dans le cadre d’une enquête portant sur les compte-rendus des négociations entre la hiérarchie militaire et les mutins des Forces Spéciales.

Les articles de six journalistes ivoiriens ont conduit à leur interpellation par la brigade de recherches
Liberte de la presse 1 de la gendarmerie nationale. Dans la journée du dimanche 12 février 2017, six journalistes ivoiriens ont été interpellés dans le cadre d’une enquête diligentée par le parquet d’Abidjan dans l’affaire des primes exigées par les forces spéciales de Côte d’Ivoire. Ils sont accusés d’avoir publié des articles annonçant un accord entre le gouvernement et les soldats des forces spéciales pour le paiement d’une prime qui s’élèverait à 17 millions de francs Cfa.



Le communiqué du Procureur de la République est sans ambages. Les articles du samedi 11 Février parus dans les quotidiens Soir-Info, Notre Voie, Le temps et l’Inter sont « de nature à inciter les soldats à la révolte. »

« Ces agissements tombent sous le coup des articles 69 alinéa 4 et 5 et 73 de la loi N°2004- 643 du 14/12/2004 portant régime juridique de la presse et 174 alinéa 2 du code pénal, qui répriment la diffusion de fausses nouvelles, les incitations de militaires à l’insoumission et à la rébellion, les atteintes à l’autorité de l’Etat et la publication d’informations fausses se rapportant au secret de la défense et à la sûreté de l’Etat. » soutient ADOU Richard Christophe, Procureur de la République.

Une « indignation » et « profonde déception » pour le Syndicat National des Professionnels de la Presse de Côte d’Ivoire. Tout comme le SYNAPPCI, les organisations syndicales dénoncent une « atteinte flagrante à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, aux droits fondamentaux de l’homme, reconnus et protégés par la Constitution ivoirienne et la loi 2004-644 portant régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire »

« Les informations relatives à la mutinerie des soldats des Forces spéciales, notamment celles
Journaurelatives aux accords intervenus entre eux et le gouvernement, ne peuvent, en aucun cas, être assimilées à une incitation à la révolte. » a déclaré Guillaume Gbato, le secrétaire général du SYNAPPCI qui « exige la libération immédiate et sans conditions des journalistes illégalement détenus.»
Même son de cloche au Front Populaire Ivoirien, dont le quotidien qui lui lui est proche, « Notre Voie, est également inquiété par l’enquête.

« Il n’y a pas de liberté de presse. Dès que les journalistes dérangent par leurs écrits on les arrête. Mais ils ne sont pas là pour caresser tout le monde dans le sens du poil. S’il y a des informations qui nécessitent qu’on informe le public il faut le faire (…) Que le gouvernement apporte un démenti par rapport à ce qui a été publié par ces journaux et c’est tout» lance Pr Raymond Abouo N’Dori, Vice-président du FPI.

Pour le porte-parole du RDR, certes « les délits de presse sont dépénalisés, mais les mensonges et les calomnies sont condamnables ».

La question de la dépénalisation du délit de presse à nouveau sur le tapis. Pour le juriste-politologue Geoffroy-Julien Kouao « L’alinéa premier de l’article 68 de la loi portant statut juridique de la presse exclu la peine d’emprisonnement en matière de délit de presse mais maintient la peine d’amende. Et l’article 69 de la loi suscitée prête à confusion en revoyant aux dispositions pertinentes des articles 174 et 175 du code pénal. Or, l’article 174 du code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de 1 an à 5 ans et d’une amende de 300.000f à 3.000.000F d’amende. A l’observation, contrairement à une opinion admise, la dépénalisation du délit de presse n’est pas encore un acquis en Côte d’Ivoire » soutient le juriste-politologue.

Les organisations de droits de l’homme sont aussi montées au créneau ce lundi 12 Février. Pour l’APDH, l’Action pour la Protection des Droits de l’Homme, « les faits en cause ne peuvent, à l’analyse, constituer des atteintes à l’autorité de l’Etat ». Elle juge « intolérable l’intimidation du Procureur de la République tendant à museler la presse de l’opposition ».

Les organisations des droits de l’homme tirent la sonnette d’alarme. La Côte d’Ivoire occupe la 86e place du classement mondial de Reporters Sans Frontières loin derrière le Burkina Faso et le Sénégal respectivement à la 42ème et 46ème rangs mondiaux.

En attendant, les six journalistes sont en attente de la décision du juge à la brigade de recherches où leurs auditions se poursuivent.

 

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Date de dernière mise à jour : mardi, 14 février 2017

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